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POSITIONNEMENT FNE 84 SUR LA METHANISATION - JUIN 2024

Publié le 27 juin 2024

    Les objectifs de la PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie) - en cours d’actualisation.- indiquent que la consommation d’énergie devrait à l’horizon 2030 être inférieure de 20% à celle de de 2012. Pour ce faire la production d’ENR devra croître de 33% au même horizon (2030) et la part de production du gaz bio méthane atteindre 7% de ce mix et 30% à l’horizon 2050.

    Pour ce faire des moyens financiers accompagneront les projets de méthanisation : 10 milliards d’€ sur 10 ans sans compter les aides complémentaires que pourront attribuer l’ADEME, les régions, départements et collectivités.

    FNE84 souscrit au développement des énergies renouvelables dans la perspective de zéro émission carbone à l’horizon 2050, mais cela ne peut s’effectuer que dans le cadre d’une approche globale démontrant l’absence d’incidences négatives des technologies proposées sur l’environnement, la biodiversité, la qualité des sols et des ressources naturelles (eau, air).

Pour ce qui concerne les projets de méthanisation envisagés dans le département de Vaucluse plusieurs questions préalables se posent :

  1. La répartition géographique des structures de méthanisation doit-elle être uniforme sur tout le territoire ?

  2. Quelle est l’incidence de la méthanisation sur les pratiques agricoles ?

  3. Les incitations financières ne risquent-elles pas de mettre en difficulté les porteurs de projets à terme ?

  4. Quel est le bilan global de l’installation de méthanisation vis à vis des GES et des coûts externes et nuisances induits par la future installation ?

 

I - La répartition géographique des structures de méthanisation doit-elle être uniforme sur tout le territoire français ?

 Il convient d’aborder cette question en prenant toute la mesure du potentiel méthanogène de la région Sud. Sur ce point l’étude FranceAgriMer1[1] nous apporte les réponses suivantes :

  • Concernant les résidus de grandes cultures : « structurellement la production régionale de paille de céréales ne couvre pas les besoins »

  • Concernant les effluents d’élevages : « la région PACA mobilise déjà la quasi-totalité de son gisement (97%) »

  • Concernant les cultures dédiées (CIVE ou autres) : « la plupart des régions seraient amenées à mobiliser entre 20 et 51% de leur production alors que pour la région PACA cela nécessiterait 21 fois sa production »

Le constat de cette étude publiée en 2022 démontre que la région ne dispose d’aucune capacité de biomasse disponible sur son territoire pour la méthanisation.

 

 

II - Quelle est l’incidence de la méthanisation sur les pratiques agricoles ?

 

  • Sur l’approche de l’utilisation des terres agricoles

    D’après l’ADEME (rapport 2022) 26 Millions d’ha sont nécessaires pour assurer l’autosuffisance alimentaire en France. La SAU (Surface agricole utilisée) en France est de 28,7 Millions d’ha dont 9 Millions réservés à l’export : il est donc impossible d’utiliser une part de SAU pour les cultures dédiées à la méthanisation.

En conséquence, les cultures intermédiaires dédiées qui rentrent en compétition avec l’alimentation humaine ou animale ne sauraient entrer dans un plan d’approvisionnement d’un projet de méthaniseur.

Ces CIVE (cultures intermédiaires dédiées) assurent généralement un rôle de couvert végétal permettant de piéger les nitrates, de favoriser la biodiversité des sols agricoles, d’augmenter la matière organique et de favoriser la rétention d’eau, il est évident qu’en les prélevant avant maturité pour l’usage de la méthanisation, les sols agricoles perdent tout le bénéfice de ces avantages.

Les textes autorisant les CIVE, précisent que les cultures dédiées ne doivent être ni fertilisées ni irriguées notamment en période d’étiage faible face à des ressources en eau appelées à diminuer en raison du changement climatique et de la nécessité de réduction des émissions de GESnotre département est donc, à cet égard, également peu propice à ce type de culture.

 

  • Sur les substrats qui peuvent intégrer un plan d’approvisionnement

    Comme nous l’avons vu précédemment la région Sud et le département de Vaucluse disposent de peu de ressources issues de résidus de culture ou de leur transformation. Il est donc important que les sources d’approvisionnement soient diversifiées pour assurer un fonctionnement régulier du méthaniseur, aussi l’utilisation de déchets ménagers et assimilés peut contribuer au plan d’approvisionnement à condition que ce soit la seule partie biodéchets afin de permettre en aval un usage agricole des digestats.

Concernant les boues de stations d’épuration qui pourraient être dirigées vers la méthanisation, les digestats issus de ces sources ne pourront être utilisés en usage agricole pour la production de cultures liées à la consommation humaine en raison de risques de présence de métaux lourds ou autres.

 

  • Sur le dimensionnement des installations :

     

    Seule une approche locale et une gouvernance transparente adaptées aux conditions in situ des gisements et des capacités d’épandages des digestats avec suivi de la qualité des sols tout en respectant le principe de proximité nous paraît acceptable.

Dans le département de Vaucluse dont le mitage urbanistique et l’attrait touristique sont très importants, la recherche de lieu éloigné de toutes habitations y compris pour les lieux d’épandages est nécessaire ainsi que la prise en compte de l’aspect paysager.

A nos yeux, dans le département de Vaucluse, seules de petites unités agricoles seraient susceptibles de trouver place.

 

  • Sur la valorisation des digestats

Les sols vauclusiens sont en général très dégradés. Les matières organiques du sol constituent le réservoir de carbone le plus important. L’apport de digestat riche en azote (ammoniac) mais pauvre en carbone favorise les pertes de l’humus des sols et leur érosion. Pour limiter ce phénomène, il est important de s’assurer que les sols recevant des digestats soient largement pourvus en matière organique avec un bon taux d’humus.

L’épandage des digestats doit impérativement s’accompagner de mesures d’observation et de contrôle des sols :

- Nécessité de création d’un observatoire de suivi de la qualité des sols (respect objectif 4 pour mille) : élévation du taux de CO2 dans les sols pour augmenter leur rôle de puits de carbone.

- Nécessité de développer des contrôles réglementaires permettant de s’assurer du respect des arrêtés fixant les plans d’épandage.

En outre les surfaces d’épandages ne pourraient être situées dans des zones vulnérables « nitrates » telles que Natura 2000, ou dans un périmètre de protection d’un captage d’eau ou une zone humide.

 

III - Concernant les aides financières à la création des unités de Méthanisation

(640 000€ en moyenne) ajoutées à celles du rachat du gaz (10 milliards sur 10 ans), s’agissant d’argent public nous estimons non justifiées ces aides au regard du faible rendement de la méthanisation, qui ne créé que très peu d’emploi et ne sécurise pas le revenu des agriculteurs. Nous gardons en mémoire l’exemple des dérives allemandes.

 

IV - Quel est le bilan global de l’installation de méthanisation vis à vis des GES et des coûts externes et nuisances induits par la future installation
  • Sur les émissions de GES

Les projets de méthanisation devront tenir compte du dispositif réglementaire et démontrer que l’installation présentera un bilan énergétique positif. Cette évaluation devra prendre en compte le flux de carbone des sols (voir ci-dessus). La production d’énergie ne peut se faire au détriment de la capacité de stockage des sols agricoles.

 

  • Sur les coûts externes induits et les conséquences relatives aux nuisances de voisinage générées par la future installation

Les coûts liés notamment à la dégradation du réseau routier ou à sa modification en raison de son inadaptation à des transports répétés de véhicules lourds sont à évaluer dans le bilan d’ensemble du projet en incluant les éventuels conflits d’usage (exemple : partage avec cyclistes Via Rhona à Mondragon).

Les conséquences relatives aux nuisances de voisinage générées par les travaux de construction et le fonctionnement de l’installation de méthanisation sont également à rechercher et à évaluer en termes d’évitement et de réduction (cf. point 2 sur la taille des installations) et de compensation vis à vis de la biodiversité et des populations.

 

  • Sur les incidences sur la qualité des eaux souterraines : extraits Note agence de l’eau Rhin Meuse - AERM -25/06/2019

Les digestats sont plus facilement assimilables par les plantes, ils sont également plus facilement lessivables en cas d’erreur et de mauvais dosage. Cela doit s’accompagner de conseils très précis concernant leur utilisation, notamment sur les zones sensibles pour les ressources en eau et notamment sur les captages, ce qui actuellement n’est quasi jamais évoqué dans les études préalables. De manière plus générale, les digestats devraient être considérés comme de l’azote minérale et affectés des mêmes préconisations (non épandage en automne…) qui permettraient de limiter les risques de pollution des ressources en eau ;

Il est préconisé la mise en œuvre de chartes de méthanisation avec des cahiers des charges types pour les études préalables à mettre en œuvre et prévoyant notamment des préconisations particulières sur les ressources en eau (captages notamment).

 

NB : L’examen de l’intérêt comparatif de la méthanisation dans le traitement des déchets verts et bio déchets ou des boues de station d’épuration et dans la production d’énergie renouvelable sera développé dans un document spécifique.

 

 

En conclusion, FNE 84, sans s’opposer à la production d’énergie renouvelable par méthanisation en général, considère que le département de Vaucluse présente une configuration inadaptée au développement de méthaniseurs (sauf exception : traitement des boues de station d’épuration Avignon) et préférant :

  • pour les déchets agricoles, un retour à la terre direct, garant d’une amélioration de la qualité des sols et d’une meilleure capacité de stockage du carbone,

  • et pour les autres déchets un traitement par compostage.

 

[1] Ressources en biomasse et méthanisation agricole : quelles disponibilités pour quels besoins ? - Analyse des données théoriques de l’ONRB édition octobre 2022)

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